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La pérennité de l’infrastructure des copropriétés

Les copropriétés comportent un certain nombre de risques, dont certains échappent aux propriétaires et aux conseils d’administration d’associations condominiales. En examinant ces risques et la nécessité de fonds de prévoyance robustes pour couvrir les coûts d’entretien futurs, la profession actuarielle a bon nombre de perspectives à offrir à cet égard. Dans cet épisode, nous nous entretenons avec Jean-Sébastien Côté, FICA et coauteur du plus récent énoncé de principe de l’ICA sur la pérennité de l’infrastructure des copropriétés.

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Ayotte : Bonjour à tous et à toutes et bienvenue à Voir au-delà du risque, le balado de l’Institut canadien des actuaires. Ici Maude Ayotte, membre de l’équipe des communications au siège social de l’ICA.

Le plus récent énoncé de principe de l’ICA traite des risques associés aux copropriétés, ce dont les membres d’un conseil d’administration d’associations condominiales et les propriétaires doivent se préoccuper, et comment l’expertise actuarielle peut venir en aide.

Dans le cadre de cet épisode d’aujourd’hui, on accueille à nouveau Jean-Sébastien Côté, FICA, et coauteur avec Henry Chio et John Nguyen de cet énoncé de principe intitulé Pérennité de l’infrastructure des copropriétés.

Une fois de plus, Jean-Sébastien, merci de te joindre à nous dans le cadre d’un épisode de balado.

Côté : Merci Maude, ça fait plaisir d’être ici.

Ayotte : Pour commencer, pourrais-tu nous expliquer pourquoi les actuaires s’intéresseraient à l’exploitation des copropriétés?

Côté : Je pense que c’est important, comme actuaire, de s’intéresser des fois à des sujets qui viennent plus intéressants sur le marché, sur l’ensemble de notre profession. En fait, souvent, on voit des actuaires dans les régimes de retraite, dans l’assurance, et tout ça, mais les condos, ça reste une sphère qui est intéressante de son point de vue financier. Alors, dans un condo, on a une espèce de microsociété, on a des gens qui habitent dans un immeuble et qui partagent ensemble des parties communes et des charges financières. Alors, à ce moment, où l’actuaire peut venir jouer un rôle important, c’est dans l’estimation future et la projection des remplacements des parties communes.

Évidemment, l’idée c’est d’avoir un conseil d’administration qui est opérationnel dans ce genre d’immeuble, les immeubles en copropriété pour justement faire vivre et survivre un immeuble à condo. Alors, les actuaires dans leur intérêt, ça peut être multiple.

Au niveau des condos, on parle d’assurance, aussi on va parler d’investissement également. Je veux dire qu’un condo, pour la plupart des gens, ça va être l’investissement de leur vie. Ce n’est pas une hypothèque sur une maison, mais c’est quand même sur un bien immobilier important et je pense qu’il y a tout intérêt aux actuaires de s’intéresser aux condos parce que tous ces condos-là ont des conseils d’administration qui ont besoin d’expertise, entre autres, des actuaires, des avocats, des ingénieurs pour aider à la survivance des immeubles à condo.

Ayotte : Puis, pour ceux et celles qui sont à l’écoute, avons-nous des renseignements à leur partager concernant le projet de recherche de l’ICA qui a mené à l’élaboration de cet énoncé?

Côté : En fait, ce projet de recherche, qui a été publié l’an dernier, a attiré beaucoup l’attention de plusieurs des acteurs dans le milieu. Alors, on a réussi à aller chercher une plus grande base auprès des associations de condos et des acteurs dans le marché pour faire connaître un peu les actuaires et leur point de vue sur les condos.

Le projet de recherche en soi a quand même creusé beaucoup en profondeur – dans le fond, tout l’aspect canadien des condos parce qu’il n’y en a pas juste au Québec, il y en a à travers tout le Canada dans différentes législations, provinces, sous différentes règles.

En plus de creuser et d’aller loin dans la compréhension de l’environnement de ces contrats-là dans les autres provinces, il y a un modèle qui avait été développé pour comprendre le fonctionnement des fonds de réserve dans ces condos. Parce qu’on s’entend que ce sont des immeubles qui vieillissent comme une maison, mais dont la charge est commune à la microsociété, qui est composée des différents membres et acheteurs de condos.

Et éventuellement toutes les pièces, les éléments communs comme les fenêtres, les corridors, la piscine et ces choses-là doivent être changées plus tard. Eh bien, on doit mettre l’argent de côté. Autrement, on laisse une facture qui peut être salée aux générations futures qui vont acheter ces condos.

Alors le projet de recherche a aidé en ce sens à faire un modèle de projection avec l’expertise actuarielle qui est rentrée dans des modèles stochastiques pour mieux comprendre, qu’est-ce qui était important dans les condos, puis mieux outiller les gens à comprendre ce qu’ils achetaient, dans quoi ils habitaient et qu’est-ce qu’ils peuvent faire pour aider à mieux investir et à mieux prendre soin de leurs biens acquis qui est leur condo.

Ayotte : On sait qu’il existe des produits d’assurance disponibles pour les copropriétés. Pourquoi les copropriétaires ne peuvent-ils simplement pas compter sur ces produits pour faire face à des pertes imprévues?

Côté : C’est une bonne question. Je pense que les gens croient qu’il y a une assurance à peu près pour tout. Il faut juste faire attention quand on est en condo, évidemment, les gens ont une vision, disons de leur unité de condo et moins un peu de la vision extérieure, c’est-à-dire les parties communes.

Quand on rentre au niveau des assurances, et bien on a toujours une assurance pour l’immeuble entier, alors les parties communes, qui elles sont sous la supervision du syndicat de copropriété, qui est, dans le fonds, géré par le conseil d’administration. Et par la suite, les copropriétaires ont leur partie à eux, leur partie privative dans leur chez-soi.

Et au niveau des assurances, ce n’est pas tout qui est assuré, c’est-à-dire qu’il y a des choses qui normalement finissent par vieillir et doivent être remplacées. Il n’y a pas vraiment d’assurance pour ça. Donc, il faut comprendre que les assurances vont viser des dommages causés par l’eau, des dommages causés par le feu ou bien ce genre de choses.

Il faut faire attention de ne pas mélanger, disons, des vices cachés qui ne sont pas nécessairement couverts par toutes les assurances, ou du moins s’ils le sont, il faut que ce soit une assurance très spéciale. Mais ce qu’on veut vraiment parler aujourd’hui, c’est que les risques que les gens vont avoir quand elles possèdent un condo pourraient ne pas être rassurés et de par cette raison-là, ils doivent faire attention de bien s’occuper de leurs affaires.

Le genre de risque qui peut ne pas être assuré, c’est que si on a un conseil d’administration qui n’a pas les capacités ni les compétences de mener à bien le maintien de l’immeuble, on peut se ramasser avec une perte de valeur de son condo du fait que l’immeuble en entier en a perdu.

Alors, il faut vraiment faire attention de ce qui s’occupe de l’immeuble en soi, c’est-à-dire les gens qui sont sur le conseil d’administration, et s’assurer qu’ils font un travail diligent et avec les bons outils, les bons professionnels pour les accompagner.

Ayotte : Quels sont les types de risques que font face les propriétaires de copropriété dont ils ne sont peut-être pas conscients?

Côté : Au niveau des risques évidemment, le changement climatique ont quand même de grosses discussions de ces temps-ci : Quels sont les impacts climatiques que peut qui peuvent influencer le prix des condos? Plus on va avancer dans le temps, plus on pourrait voir plus d’inondations.

On va voir aussi plus de grande chaleur, plus de tornades, ce genre de choses. Et évidemment, bon, on a bâti, on a construit des immeubles à condos un peu partout à travers la planète, pas juste au Canada, et éventuellement, ces changements climatiques pourraient affecter les condos. Bon, évidemment, certains de ces risques pourraient, dans une ultime façon, être assurés, mais s’ils ne le sont pas, ça reste un risque dont les gens doivent être conscients.

Je peux prendre peut-être l’exemple le plus simple, c’est-à-dire les inondations. Si on achète un condo qui est en zone possiblement inondable ou qui pourrait le devenir, c’est certain qu’un assureur pourrait peut-être se rétracter de ces clauses-là d’assurer quelque chose qui est en zone inondable, donc ça reste un risque climatique selon moi.

Par la suite, il y a les risques du conseil d’administration, c’est-à-dire avez-vous les personnes appropriées en place pour s’occuper de l’immeuble? Est-ce qu’il y a des gestionnaires de copropriété, donc des experts du milieu qui ont été engagés et qui font très bien le travail ou au contraire, qui pourraient nuire à l’immeuble? Alors, à ce moment-là, ça peut être un risque de responsabilité civile à cet endroit. On a vu dernièrement aussi avec la hausse fulgurante des taux d’intérêt que beaucoup de gens pourraient avoir de la difficulté à payer leur hypothèque.

Évidemment, quand on est un propriétaire de maison et qu’on est responsable soi-même de sa maison, on impacte personne d’autre que disons ses créanciers, la banque et tout ça, et sa famille. Mais quand on vit en copropriété, il ne faut pas oublier que quelqu’un qui n’est pas capable de payer son condo, ça va répartir le risque sur les autres copropriétaires étant donné que le conseil d’administration, c’est-à-dire l’immeuble entier du condo dans lequel tout le monde habite, pourrait décider face à un copropriétaire qui ne paye pas de saisir son condo et le remettre en vente sur le marché.

Évidemment, ce n’est pas souhaitable parce que tout le monde veut un toit sur la tête, alors il faut faire attention à ça. Alors, le risque d’intérêt en ce moment avec les hausses peut jouer sur cet impact. Et au niveau de l’inflation, pire que ça, dans les condos, c’est ce qu’on avait établi dans le papier de recherche que faire des remplacements, des réparations d’éléments communs dans les condos, comme les ascenseurs, la peinture, les tapis, ces choses qui sont communs à l’immeuble et qui sont payées par des cotisations aux fonds de réserve, augmentent de façon fulgurante plus vite que l’inflation.

Et déjà, l’inflation, on la voit grimpante à 6,7 % dans les derniers mois. Après ça, on a vu que c’était encore plus haut que les hausses de salaire à l’époque, avant que l’inflation soit dans les 6,7 %, alors on se rend compte que maintenant il n’est pas rare d’avoir vu des hausses de certains fournisseurs, excéder les 50 % d’augmentation dans les dernières années. Est-ce que ça va rester à ce niveau-là? On ne le souhaite pas, mais c’est un des risques que les copropriétaires fassent face en ce moment.

Ayotte : Quelles sont les occasions qu’on peut envisager pour les actuaires qui souhaiteraient influencer ce domaine et collaborer auprès d’autres professions?

Côté : Les actuaires, leur expertise première, c’est d’émettre des hypothèses, de bâtir des modèles, de se projeter dans le futur, d’évaluer les risques et de se créer des zones, je vais appeler ça un peu des zones de confort, c’est-à-dire les fameux intervalles de confiance. Alors, ce qu’on pourrait essayer de faire, nous les actuaires, soit à titre individuel ou collectif… Individuel, on s’investit sur les conseils d’administration pour justement essayer de mener à bien la mission de préserver l’immeuble à condo dans lequel on habite.

Ou bien en termes collectifs, c’est d’émettre des rapports, des papiers de recherche et des opinions qui peuvent aider l’industrie du condo à mieux mettre ces balises afin d’établir qu’est-ce qui est raisonnable de mettre de côté en termes d’argent parce que c’est souvent ça le terme. En fait, l’objectif ultime, c’est d’avoir assez d’argent de côté pour payer aux dommages qui pourraient survenir plus loin. Je parle des dommages, mais ça peut être les remplacements déjà prévus.

Mais encore là – le temps – dans le futur, il y a de l’incertitude et je pense que les actuaires sont les meilleurs pour gérer l’incertitude afin de créer des scénarios et peut-être de prévoir le pire en espérant le meilleur. Alors, je pense que c’est là que les actuaires peuvent faire une différence.

Ayotte : Et pour terminer, aurais-tu un mot de la fin?

Côté : Si j’avais un élément à dire au niveau du mot de la fin, c’est qu’on s’est intéressé dans les condos, je dis, on, c’est Jon Juffs et moi-même, et Henry et John Nguyen, pour sortir les papiers de recherche et aussi l’énoncé de principe.

Mais plus loin que les condos, on peut se voir à essayer d’avoir un ensemble global de notre infrastructure au Québec, au Canada, et de comprendre qu’on a des routes, on a des réseaux électriques, on a des barrages, on a plusieurs éléments qui ont été bâtis il y a très longtemps et qui vont nécessiter de l’entretien, qui vont nécessiter du maintien.

Même chose pour les condos, on en a beaucoup qui ont été construits récemment. Tout va bien dans les premières années, mais il faut s’assurer que plus tard, on ait la technologie et les moyens financiers pour les maintenir et les supporter. Autrement, on pourrait se retrouver avec beaucoup de routes, de barrages, de réseaux électriques, de condos, d’immeubles vétustes qui ne seront plus habitables, ou utilisables. Alors je dirais que c’est important de se concentrer sur l’avenir et de voir ce qu’on peut faire pour s’assurer que toutes ces infrastructures-là perdurent à travers le temps.

Ayotte : Eh bien, c’était très intéressant. Merci beaucoup, Jean-Sébastien, d’avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd’hui.

Côté : Ça fait plaisir.

Ayotte : Pour ceux et celles qui souhaiteraient consulter cet énoncé de principe, rendez-vous sur le site Web de l’ICA et cliquez sur le lien qui accompagne cet épisode pour connaître tous les détails. Si la conversation d’aujourd’hui vous a plu, allez vous abonner à notre série balado pour vous rattraper et écouter les épisodes que vous avez peut-être manqués au cours des derniers mois.

Également, si vous avez des idées pour un futur épisode où souhaitez participer à la rédaction du contenu de notre blogue, je vous invite à communiquer avec nous. Nos coordonnées se trouvent dans la description de l’émission.

Je m’appelle Maude Ayotte et je vous remercie d’avoir écouté Voir au-delà du risque. À la prochaine!

Cette transcription a été révisée par souci de clarté.

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