Pour les actuaires impliqués dans la tarification et la conception de produits d’assurance-vie, le processus de vente peut être souvent mystérieux. Dominik Briault, FICA, a vu les deux côtés de la médaille, d’abord en tant qu’actuaire en tarification et désormais en tant qu’employé d’une organisation de planification successorale. Il se joint à nous pour partager ses expériences et offrir des conseils à ceux et celles qui cherchent à se lancer dans ce domaine de pratique non traditionnel.
Gabriel : Bonjour et bienvenue à Voir au-delà du risque, le balado de l’Institut canadien des actuaires. Je m’appelle Joseph Gabriel et je suis actuaire en éducation au siège social de l’ICA.
Dans cet épisode, nous présenterons une fois de plus un membre de l’Institut qui travaille dans ce que nous pouvons appeler un domaine de pratique non traditionnel. Dominik Briault, FSA, FICA, FEA, travaille présentement chez Fiegelsohn Kellar; une société de planification de relève. Nous avons invité Dominik à se joindre à nous pour en connaître davantage sur ce type de travail et comment son parcours de carrière l’a mené à ce rôle.
Merci, Dominik, d’avoir accepté de vous joindre à nous aujourd’hui dans le cadre d’un balado Voir au-delà du risque.
Briault : Merci beaucoup pour l’invitation Joseph.
Gabriel : Dominik, je suis curieux – pourrais-tu commencer par nous dire ce que représente le titre FEA?
Briault : Le titre de FEA (Family Enterprise Advisor), c’est un titre qui désigné au Canada et en Amérique du Nord qui s’appelle conseiller en entreprise familiale.
Donc, nous, le parcours et l’éducation qu’on fait pour avoir ce titre, c’est un parcours sur la compréhension des entreprises familiales privées à travers le monde, la compréhension de la dynamique familiale qui se passe parmi ces entreprises et comment être un conseiller dans notre expertise et comment amener une « plus value » à ces entreprises en comprenant bien que ce n’est pas juste le côté affaire qui est important, mais aussi le côté familial/la dynamique familiale qui a un gros enjeu et une grosse influence sur ce qui se passe sur le côté de la « business » aussi.
Gabriel : Intéressant. Alors, Dominik, discutons de votre parcours de carrière en actuariat, plus précisément ce qui vous a mené à ce rôle courant.
Briault : Ma carrière a commencé il y a une vingtaine d’années. J’ai commencé à travailler pour – dans ce temps-là, c’était London Life – aujourd’hui, c’est Canada Vie en Ontario comme étudiant actuariel qui sortait de l’université.
J’ai passé à travers différents rôles pendant mes quinze ans de carrière chez Canada Vie; la plupart des rôles étaient en développement et en tarification de différents produits d’assurance et d’investissements. Je dirais que durant les six dernières années à Canada Vie, j’étais dans un rôle en « Marketing actuariel », où mon rôle était d’amener un support actuariel à nos conseillers financiers et à nos agents et agentes qui vendaient nos produits et aussi un support actuariel, de présentation et de formation pour nos différentes équipes qui étaient à travers le pays, qui étaient là justement pour supporter les agents et agentes dans leur travail avec leur clientèle.
Gabriel : Comment êtes-vous parvenu à faire une transition vers le travail pour une société d’assurance? Comment l’occasion s’est-elle présentée?
Briault : Je dirais que c’est le dernier rôle que j’ai eu chez Canada Vie. Donc, vu que mon rôle était très « focussé » sur les conseillers financiers, sur les agents et agentes et sur le processus de vente avec la clientèle pour l’assurance-vie et aussi que j’ai été appelé par plusieurs conseillers à venir rencontrer leurs clients et clientes pour expliquer le produit d’assurance, expliquer la mécanique et comment ça fonctionne.
J’ai été approché, justement, par une des firmes avec laquelle je travaillais dans le passé pour leurs ventes en assurance-vie, pour simplement me joindre à eux pour devenir entièrement disponible pour leurs clients et clientes exclusivement au lieu d’être disponible comme représentant de Canada Vie, ou même comme représentant de l’Institut canadien des actuaires, et comme actuaire d’une personne qui a travaillé sur le développement et sur la planification des produits que l’on vend.
Gabriel : Votre entreprise se marque comme une « entreprise de planification de transition ». Qu’est-ce que cela signifie et comment les compétences actuarielles peuvent-elles y être utiles?
Briault : Je dirais que la première chose qui est importante de préciser est que oui, on se présente comme une entreprise de planification de transition parce que c’est vraiment ça le travail que l’on fait pour notre clientèle. Mais en fin de compte, on se fait payer par la vente de produit d’assurance-vie à cette clientèle. Donc on est tous dans le bureau pour des agents et agentes en assurance avec notre licence pour être capable de vendre de l’assurance à cette clientèle.
Mais la plupart de nos clients et clients sont des personnes ayant des entreprises familiales privées, et la plupart de ces entreprises ont une vision à long terme sur le fait que cette entreprise va se transférer de génération en génération et va rester dans la famille (va rester une entreprise familiale) à long terme.
Donc, nous notre travail avec ces familles, c’est de les aider premièrement à comprendre un peu la panification financière qui peut se faire alentours de leurs entreprises, la planification quand il vient le temps des impôts, quand il vient le temps de la transition vers la prochaine génération.
Aussi, les aider à préparer leur prochaine génération à recevoir des actions de très grande valeur dans une entreprise et d’être capable de gérer cette entreprise dans l’avenir. Et aussi, le fait que ça va très bien avec notre processus de création de revenus pour notre entreprise à nous, parce que l’assurance-vie reste un des meilleurs produits au Canada pour aider à faire une transition de façon à minimiser l’impôt à la transition pour l’avenir pour ces familles.
Donc le principe est vraiment que la plupart de nos familles et de notre clientèle, quand on leur parle aujourd’hui, ils se voient comme étant des gestionnaires de leurs actifs, mais au bénéfice de leurs prochaines générations.
La plupart de notre clientèle ne se voit pas comme étant des bénéficiaires de ces revenus; ils se voient vraiment comme étant des protecteurs du revenu pour leur prochaine génération. Et nous on est simplement là pour les aider à créer les plans ou à créer le processus qui va être utilisé pour apporter une transition au sein des compagnies à leurs enfants quand il sera temps dans l’avenir.
Gabriel : C’est vraiment intéressant. Menant à ce rôle, quels ont été les plus grands défis auxquels vous avez fait face?
Briault : De notre côté – et la plupart des gens qui écoutent le balado vont comprendre le point que je vais mettre – quand on travaille pour une compagnie d’assurance, qui a été mon cas pendant 15 ans de temps, on devient des experts dans la gestion d’un produit d’assurance.
On devient des experts dans ce que ça veut dire financièrement pour une société d’assurance, de vendre un produit, de gérer et payer un capital d’essai de leur clientèle. On devient des spécialistes dans les rapports financiers d’une société d’assurance, que ce que cela veut dire et son impact mais quand on arrive et on transfère dans un rôle comme le rôle que j’ai présentement, et qu’on travaille avec des entreprises privées et non plus des entreprises publiques comme la plupart des sociétés d’assurance, les lois et les règlements ne sont plus les mêmes. L’imposition ne fonctionne pas de la même manière.
Donc la transition pour la première année ou deux ont simplement été d’apprendre et de faire le plus de lecture possible et d’aller voir plusieurs colloques possibles pour en apprendre sur les lois sur l’impôt pour les entreprises privées. D’aller comprendre les lois de la famille qui sont dans différentes provinces parce que ces familles vont avoir des divorces dans l’avenir et c’est quoi l’impact de ces divorces sur l’entreprise familiale?
Aussi d’aller apprendre le plus possible sur les lois de la fiducie parce que la plupart de ces familles vont utiliser des fiducies pour essayer justement de gérer leurs impôts et les impôts en cas de décès dans l’avenir qui est trois concepts qu’on n’apprend pas lorsqu’on travaille pour une société d’assurance, et qu’il a fallu que j’apprenne à partir de zéro – à partir de quand j’ai commencé avec Fiegelsohn Kellar.
Gabriel : Je constate que c’est vraiment de la planification fiscale autant que la connaissance technique des produits d’assurance.
Briault : Oui, exactement. On vient toujours au fait que c’est qu’est-ce qui est important pour notre clientèle. Qu’est-ce qui fait que nos clients et clientes veulent s’asseoir avec nous et veulent avoir une discussion; ils veulent avoir une discussion sur ce qui est important pour eux, et c’est vraiment –
Premièrement – oui, il y a une planification fiscale autour de leurs affaires, mais il y a aussi la question que la plupart des personnes ne leurs posent pas, qui est : « Qu’est-ce que vous voulez pour vos enfants? », « Que voulez-vous? », « Comment voulez-vous que la transition se fasse? », « Est-ce que vous êtes confortable avec le fait que votre enfant, à 20 ans, va recevoir des actifs qui vont valoir 50 000 000 $? Ce sont toutes des questions qui ont un très grand impact sur les dynamiques familiales, mais pas nécessairement tant d’impact dans la dynamique d’affaires. Mais vu l’interconnexion entre ces deux mondes qui ont une grande, grande importance pour les entreprises privées à travers le pays.
Gabriel : Lorsque vous travailliez pour une société d’assurance, qu’avez-vous appris sur le processus de vente d’assurance(s) que vous ne connaissiez pas, ou peut-être que vous n’appréciez pas?
Briault : Je trouve toujours cette question vraiment drôle, parce que les six dernières années que j’avais passées avec Canada Vie m’ont donné un aperçu vraiment intéressant sur le processus de vente, et j’ai été privilégié de l’avoir eu parce que c’est un aperçu habituellement qu’on n’a pas l’opportunité de voir lorsqu’on travaille pour une société d’assurance.
Lorsqu’on développe un produit, quand on fait la gestion de ces produits pour les sociétés d’assurances, on ne voit pas le côté vente; on ne voit pas ce qui se passe de ce côté-là. Et malgré tout, il y a plusieurs choses qui m’ont surpris quand j’ai vraiment commencé à 100 % sur le côté des ventes avec notre clientèle :
La première surprise et je n’en reviens toujours pas que c’est une surprise, mais c’est vraiment le cas : lorsqu’on travaille pour une société d’assurance, on a toujours la compréhension que si un client ou une cliente remplit une application pour un produit d’assurance-vie et signe une application pour un produit d’assurance-vie, le client ou la cliente a décidé(e) d’acheter un produit d’assurance-vie.
Et ce concept est complètement faux, surtout dans le marché des polices de grandes tailles. La plupart de nos clients et clientes, lorsqu’ils ou elles acceptent de signer une application, tout ce qu’ils ou elles ont décidé est de faire les examens médicaux pour voir si le produit d’assurance est une option pour elles ou eux, et si oui, est-ce qu’ils ou elles sont assez en santé pour pouvoir se qualifier et de quoi le produit peut avoir l’air.
Donc l’application n’a aucun rapport avec le fait qu’une décision a été prise pour l’achat d’un produit. C’est simplement que le client ou la cliente décide de passer à travers le processus pour voir s’il ou elle peut se qualifier pour un produit d’assurance-vie. La vente est faite par la suite, et non avant l’application.
La deuxième surprise que j’ai eue est que : nos clients et clientes ne sont pas des spécialistes en assurance-vie. Ils sont des spécialistes dans leur « business », ils sont des spécialistes dans la gestion de l’immobilier et dans la gestion de leur entreprise privée; mais ils ne sont pas des experts en impôts et ne sont pas nécessairement des spécialistes en fiscalité et en assurance-vie.
Lorsqu’on arrive et qu’on leur présente une recommandation pour une certaine planification ou une certaine structure pour leurs affaires et qu’on leur présente aussi une recommandation pour un produit d’assurance-vie et ce que cela leur amènera, je suis toujours extrêmement surpris du fait que cette clientèle est confortable à prendre des décisions – que je considère comme étant de grosses décisions – sans nécessairement avoir beaucoup d’information avec elle.
Ils ne rentrent pas nécessairement dans les détails, ou tous les détails que personnellement, je rentrerais dedans si j’étais dans leurs souliers, avant de prendre ces décisions. Et c’est probablement pour cela qu’ils sont, justement, capables de gérer leurs affaires de la façon qu’ils gèrent et d’avoir du succès de la façon qu’ils ont du succès, parce qu’ils sont capables de prendre des décisions avec l’information en face d’eux et de prendre la bonne décision sans nécessairement avoir à devoir rentrer dans tous les détails. C’est vraiment une compétence que j’admire et qui me surprend toujours à chaque fois.
Gabriel : Alors quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite faire un changement ou une transition de carrière semblable à la vôtre?
Briault : Il y a deux conseils qui je suis capable de donner selon mon expérience que j’ai eue de mon côté. Le premier conseil va sembler vraiment redondant et plate – et je m’en excuse, parce que cela a été un « focus » de l’Institut canadien des actuaires depuis les dix dernières années – c’est le côté communication.
C’est le côté de développer nos compétences en tant qu’actuaire; d’être capable de communiquer avec des personnes qui ne sont pas actuaires, des chefs d’entreprise(s), des comptables, des avocats en fiscalités, et d’être capable d’avoir une conversation sur des concepts que – oui, sont purement des concepts actuariels – mais d’être capable de faire comprendre à ces personnes les concepts dont nous parlons et les conséquences que les décisions vont avoir.
Je dirais que de mon côté, le rôle que j’ai eu en marketing actuariel chez Canada Vie m’a extrêmement aidé pour cela parce que ça m’a forcé à sortir de la maison mère, d’aller rencontrer du monde, de répondre à des questions et de voir la réaction du monde lorsqu’on répond à celles-ci, et de réaliser que peut-être que ma réponse n’était pas satisfaisante donc je dois m’ajuster sur comment je l’explique.
Je vais trouver de nouvelles façons de l’expliquer. Et pour voir si ça va mieux passer, ou aussi de juste faire des présentations en face de salles de personnes et de voir la réaction des gens pendant qu’on explique différents concepts. Le côté communication va toujours rester la priorité pour le monde des affaires, et si on veut voir un impact comme actuaire, il faut vraiment qu’on s’améliore sur le côté communication.
Le deuxième conseil : Si vous avez une chance ou vous vous faites offrir une occasion de sortir de votre zone de confort, sautez à deux pieds joints et prenez-la. Vous ne savez jamais où cela peut mener. Sur le coup, peut-être que cela n’aura pas l’air intéressant. Peut-être que l’occasion n’a pas l’air du tout dans vos cordes, mais si vous ne l’essayez pas, vous ne saurez jamais ce dont vous êtes capable. Et si vous ne poussez pas les limites, vous ne saurez jamais jusqu’où vous êtes capable de vous rendre.
Je dirais qu’en affaire, je dirais qu’au cours de votre carrière, si une occasion se présente et vous force à ne pas vous sentir confortable, ce sont les meilleures occasions que vous pouvez saisir. Justement, elle vous montrera beaucoup à propos de vous-même, et cela vous en amènera beaucoup dans l’avenir en fonction des différentes expériences que vous aurez accumulé.
Gabriel : Merci, Dominik, cela fait le tour des questions que nous avons préparé aujourd’hui. Pour terminer, auriez-vous un mot de fin à nous partager?
Briault : La seule chose qu’on n’a pas élaborée est que même si mon travail aujourd’hui n’est plus ce que je considère un travail traditionnellement actuariel, il reste que ce que j’ai appris en tant qu’actuaire me sert à tous les jours.
Et je dirais que la chose de l’Institut canadien des actuaires que j’utilise le plus souvent, ce sont nos lois en conduite professionnelle. Lorsqu’on est actuaire en dehors d’un monde actuariel, nos lois en conduite professionnelle deviennent extrêmement importantes, et deviennent l’ancre sur tout ce que l’on fait dans l’avenir. En tant qu’actuaire en dehors d’un monde non actuariel, c’est un des plus beaux outils qu’on a pour pouvoir travailler dans tout ça.
Gabriel : C’est vraiment intéressant. J’aimerais poser une autre question (et dis-moi ce que tu en penses) : Si vous travaillez avec d’autres professionnels – et j’assume des comptables, des planificateurs financiers et des avocats – est-ce que votre clientèle, en général, savent ce qu’est un actuaire ou faut-il leur expliquer?
Parce que je me dis que tout le monde connaît le travail d’un comptable ou d’un avocat, mais souvent le mot « actuaire » de nos jours, encore une fois les gens ne connaissent pas. Je suis juste curieux qu’elle soit la dynamique avec les autres professionnels et les clients et clientes?
Briault : Je dirais que les clients et clientes n’ont absolument aucune idée de ce qu’est un actuaire parce qu’ils ne sont pas nécessairement dans le monde financier. Donc un actuaire, pour eux, c’est un concept qu’ils ne connaissent pas.
Pour les comptables, cela va dépendre. Si on parle de comptable qui a travaillé depuis les vingt dernières années dans un marché quand même assez élevé, oui, il aura travaillé dans l’assurance dans le passé, eh oui, il va savoir ce que c’est un actuaire.
La plupart des avocats ne sont pas au courant non plus, mais je dirais que l’impact du titre est pas mal le même, peu importe la personne. Quand on arrive à une table, que l’on s’assoit, et qu’il y a un comptable à la table et que l’on se présente comme actuaire, le ton de la rencontre change.
Gabriel : Ah oui?
Briault : Oui, cela devient un chemin de rencontre beaucoup plus cordial et beaucoup plus professionnel et il y a beaucoup moins d’adversité, comparativement à ce que j’ai pu observer lors d’autres rencontres. Ou justement, que je n’étais pas là en tant qu’actuaire, mais présent en tant que conseiller ou conseillère, ou en tant qu’agent ou agente d’assurance. Dans cette situation, le ton de la rencontre n’est pas le même du tout.
Gabriel : Très intéressant. Je vous remercie d’avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd’hui pour discuter de votre parcours de carrière et vos expériences, et d’avoir partagé de précieux conseils à notre auditoire.
Briault : Merci beaucoup pour l’invitation, j’apprécie.
Gabriel : Alors cher auditoire, c’est ce qui met fin à l’épisode d’aujourd’hui. Si vous avez aimé cette entrevue, n’oubliez pas de vous abonner pour ne pas manquer les épisodes à venir.D’ailleurs, vous pouvez écouter le balado sur le blogue de l’ICA, Voir au-delà du risque, et nous écrire à balados@cia-ica.ca. Nous aimons toujours lire vos commentaires et vos idées.
Je m’appelle Joseph Gabriel, et merci d’avoir écouté Voir au-delà du risque. À la prochaine!
Cette transcription a été révisée par souci de clarté.