Les générateurs de scénarios économiques peuvent être un outil utile lorsqu’il est question de modélisation et de prévision, et peuvent également être utilisés pour représenter les risques associés aux changements climatiques. Dans cet épisode, l’économiste principale Sohini Chowdhury se joint de nouveau à nous pour expliquer comment les générateurs de scénarios économiques peuvent être utilisés par les sociétés d’assurance et les régimes de retraite, et quelles sont les répercussions climatiques sur ces scénarios. Cet épisode est disponible en anglais seulement.
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Les générateurs de scénarios économiques sont devenus un outil important en matière d’analyse de scénarios. Ils servent à la modélisation, à la prévision et à l’illustration des risques associés aux changements climatiques. Sohini Chowdhury, économiste principale chez Moody’s Analytics, se joint à Voir au-delà du risque pour partager comment les sociétés d’assurance, les caisses de retraite, et plus encore, peuvent bénéficier de ses générateurs.
Fievoli : Bienvenue à Voir au delà du risque, le balado de l’Institut canadien des actuaires. Je suis Chris Fievoli, actuaire, communications et affaires publiques à l’ICA.
La mise à l’essai de scénarios fait partie intégrante de la plupart des travaux actuariels, et les utilisateurs et utilisatrices en sont venus à compter sur divers générateurs pour élaborer ces scénarios.
Aujourd’hui, nous allons examiner de plus près les générateurs de scénarios économiques, qui ont des applications en assurance et en régimes de retraite et qui peuvent également refléter l’impact des risques climatiques. Sohini Chowdhury, économiste principale chez Moody’s Analytics, se joint à nous une fois de plus pour en discuter.
Bienvenue à nouveau au balado et merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Chowdhury : Merci Chris. Merci de m’avoir invitée.
Fievoli : Commençons sans plus tarder. Dites nous ce qu’est un générateur de scénarios économiques.
Chowdhury : Oui. Un générateur de scénarios économiques est – fondamentalement – un ensemble de plusieurs modèles financiers stochastiques de facteurs de risque et de prix des actifs.
Ces modèles génèrent de multiples trajectoires futures, appelées scénarios de facteurs de risques économiques, comme les taux d’intérêt, les écarts de crédit, la volatilité des actions, les taux de change, l’inflation, etc.
Ces projections de facteurs de risques sont ensuite utilisées pour produire de multiples projections futures du rendement des actifs, qui en dépendent; par exemple, le rendement des obligations de sociétés, les actions, les actifs étrangers, les produits de base, etc., et les outils flexibles du logiciel.
Le logiciel générateur de scénarios économiques permet aux utilisateurs d’étalonner l’ensemble de paramètres de ces modèles, qui pourraient être la moyenne, l’écart-type de la distribution, etc., et à les appliquer à une gamme de données et d’hypothèses.
Voilà – c’est un ensemble de modèles qui produisent des résultats stochastiques pour les facteurs de risque financier et les prix des actifs.
Fievoli : Parfait. Allons maintenant un peu plus loin. Pourquoi les sociétés d’assurance, les caisses de retraite et les gestionnaires d’actifs ont ils besoin d’un générateur de scénarios économiques?
Chowdhury : Ces intervenants ont besoin d’un générateur de scénarios économiques pour toute application qui nécessite une analyse de la distribution complète des trajectoires futures des variables du risque de marché parce que l’avenir est incertain. Grosso modo, ces applications peuvent être réparties en deux groupes.
Le premier comprend des applications concrètes comme le calcul du capital économique, la GAP (gestion de l’actif passif), la simulation de crise, la construction du portefeuille de conception de la stratégie d’investissement. L’objectif consiste à produire des trajectoires futures réalistes et des distributions de facteurs de risques économiques qui reflètent des perspectives prospectives.
L’autre type d’application où un générateur de scénarios économiques entre en jeu est celui des applications risque neutre, comme l’évaluation de passifs complexes, en particulier avec des flux de trésorerie incertains, lorsque les approches analytiques ne produisent pas de solutions.
Ces applications permettent de produire une distribution des séries futures actualisées et la moyenne de ces séries fournira la meilleure estimation de la valeur du passif à la date du jour. Donc, dans le cas d’applications risque neutre, vous répondriez à des questions comme : « Quel est le juste prix d’un produit? » ou « Comment les frais d’une garantie financière devraient ils être investis pour réduire au minimum la non-concordance de l’actif passif? » Ce genre de choses et les applications risque neutre comprennent aussi l’évaluation des dérivés, des couvertures et de leur sensibilité.
Fievoli : Bien, mais pourquoi avons nous besoin d’un générateur de scénarios économiques pour cela? Pourquoi ne pouvons-nous pas produire ces distributions en utilisant un processus stochastique simple?
Chowdhury : Comme le comportement des prix des divers actifs et des facteurs de risques est corrélé, nous avons besoin d’un modèle structurel pour saisir ces dépendances entre les catégories d’actifs. C’est important. Les taux d’intérêt, les actions et les écarts de crédit ne se comportent pas uniquement de manière indépendante, ils sont tous liés.
Par exemple, les taux nominaux sans risque sont au cœur de la plupart de ces modèles, puis les rendements des actifs à risque sont modélisés en excédent de ceux-ci. Vous modélisez essentiellement les primes de risque.
La structure englobe également certains principes économiques bien compris. Par exemple, les taux d’intérêt réels sont liés aux taux d’intérêt nominaux au moyen de l’inflation, tandis que les modèles de crédit et d’actions sont liés au moyen d’une corrélation intrasectorielle pour saisir la relation entre le rendement des marchés boursiers et la transition des obligations et les défauts de paiement.
Essentiellement, vous avez besoin de cette structure pour saisir cette interdépendance que l’on voit dans le monde réel. Voici un très bon exemple qui montre l’avantage d’un modèle structurel : dans un bon générateur de scénarios économiques, le modèle des actions comporte une structure de modélisation factorielle qui permet essentiellement de modéliser et d’étalonner des centaines d’actifs apparentés à des actions de manière échelonnée et efficiente.
L’exposition de chaque actif boursier à chacun des facteurs détermine le niveau de corrélation entre les marchés boursiers et elle saisit également les dépendances non linéaires entre les actifs de l’extrémité de distribution. Par conséquent, la hauteur, la corrélation et les dépendances entre les marchés boursiers observés en période de crise peuvent être saisies, de sorte qu’il y a quelque chose que nous appelons la « corrélation de queue » en période de récession, la corrélation entre le S&P 500 et le FTSE.
Et tous ces facteurs augmentent, et – nous l’avons vu tout le temps – un modèle non structurel dont les éléments sont modélisés de façon indépendante ne permettra pas de saisir cette corrélation accrue en période de crise, tandis que dans cet exemple particulier, une approche de modélisation factorielle permet de saisir cette corrélation.
Fievoli : D’accord, parlons du climat. C’est évidemment un sujet important, mais pouvez vous simplement nous rappeler pourquoi les changements climatiques constituent un enjeu important pour les sociétés d’assurance, les caisses de retraite, les gestionnaires d’actifs et d’autres groupes?
Chowdhury : Les changements climatiques créent de nouveaux risques et de nouvelles possibilités pour les gestionnaires d’actifs, les sociétés d’assurance et les caisses de retraite en modifiant le profil de risque et de rendement des actifs et des passifs à long terme. Ces entreprises doivent déterminer les risques et les possibilités liés au climat ou aux principes ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance], les quantifier et rendre compte des résultats afin de satisfaire aux exigences réglementaires d’information qui évoluent afin de pouvoir les résumer en quatre R. Nous les appelons « les quatre R ».
Le premier R est la réglementation, qui évolue, bien sûr, et qui dépend du secteur d’activité et de la région.
Le deuxième R est la réputation, c’est-à-dire faire en sorte que votre entreprise mène ses activités conformément aux stratégies de carboneutralité et de durabilité.
Le troisième – très important – est la gestion du risque, qui assure une vision cohérente du risque pour le capital d’investissement, la liquidité, la souscription et la conception de produits. Alors : « À quel point êtes vous exposé? » et « Dans quelle mesure votre portefeuille est il exposé aux risques climatiques? » Donc, une sorte de simulation de crise.
Et le quatrième R, qui est le dernier ajout à cette structure qui est la nôtre, est le revenu. Le revenu est le seul R positif; les trois premiers R sont négatifs – ce sont tous des risques. Le quatrième R est le revenu, qui doit pouvoir profiter des occasions que présentent les changements climatiques.
La réglementation, la réputation, la gestion du risque et le revenu.
Voici un exemple : une société d’assurance vie voudrait savoir comment les risques climatiques influeront sur les flux de trésorerie des actifs immobiliers commerciaux qu’elle détient dans 20 à 30 ans. Un gestionnaire d’actifs devra tenir compte à la fois des risques et des possibilités découlant du climat au moment de bâtir un portefeuille futur. C’est ce qu’on appelle des investissements soucieux du climat.
Fievoli : Ok. Ça me paraît logique. Maintenant, comment un générateur de scénarios économiques peut il intégrer ces risques climatiques?
Chowdhury : Comme nous ne savons pas comment les politiques et technologies liées aux émissions de gaz à effet de serre, à la température ou au climat évolueront à l’avenir, nous devons nous appuyer sur une analyse de scénarios hypothétiques.
Les trajectoires climatiques sont des scénarios hypothétiques qui supposent différents développements futurs en matière d’émissions, de réchauffement et de politiques liées au climat. De tels scénarios sont publiés par certains organismes de réglementation comme la Banque d’Angleterre et par des réseaux comme le Network for Greening the Financial System (NGFS), qui est essentiellement un regroupement de banques centrales du monde entier.
Ces instances diffusent publiquement, sur leurs sites Web, des scénarios climatiques, qui sont essentiellement un scénario hypothétique où il y a certaines hausses de température de X degrés, de grands degrés d’émissions de gaz à effet de serre et un certain développement technologique, des taxes sur le carbone, etc. Mais le véritable défi pour les institutions financières consiste à convertir les conditions climatiques découlant de ces scénarios en variables financières qui, au bout du compte, sont nécessaires à l’analyse de la GAP, à la gestion des risques ou aux informations à fournir. Autrement dit, quantifier l’impact financier des changements climatiques.
Par exemple, il pourrait y avoir un scénario où les températures sont quatre degrés plus élevées que ce qu’elles étaient à l’ère pré industrielle, et des tas d’autres paramètres. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les taux d’intérêt? Parce qu’à moins que je sache ce que cela signifie pour les taux d’intérêt, je ne peux pas vraiment dire ce que ça signifie pour mon portefeuille. Voilà donc l’écart.
Et c’est là qu’intervient un générateur de scénarios économiques. Comment? Le générateur joue un rôle crucial, qui consiste à quantifier l’impact financier des changements climatiques. Ainsi, par exemple, le générateur de scénarios économiques produira la trajectoire future des taux courts et longs, des écarts de crédit, des actions et d’autres prix des actifs, tout ce dont nous avons discuté au début, dans un scénario à l’intérieur duquel le monde tente de faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Mais de manière certaine et perturbatrice.
Ce scénario s’appelle une transition désordonnée ou un « scénario d’action politique tardive ». Il s’agit d’un scénario défini par des taxes carbone élevées en 2030 pour compenser l’absence d’action rapide en matière de politiques climatiques.
Ajouter à ce scénario les taxes sur le carbone, faire grimper l’inflation pour qu’elle soit élevée et diminuer les rendements réels.
Voilà ce que vous cherchez en bout de ligne. Ces organismes, que ce soit la Banque d’Angleterre ou le NGFS, publient un scénario d’action politique tardive, mais le générateur de scénarios économiques aide à convertir les conditions qui sous-tendent ces scénarios en variables financières en disant que si vos rendements réels pour les différents secteurs diminueront de X % ou de Y %, l’inflation augmentera de Z %.
Les répercussions financières d’autres scénarios climatiques peuvent aussi être analysées de la même façon. Par exemple, un autre scénario couramment analysé est celui de la « serre chaude » du monde ou celui où il n’y a pas d’action politique. Ce scénario présente une inaction totale de la part des décideurs et décideuses, et donc aucun risque de transition sur les fermes financières – cela signifie essentiellement que les décideurs et décideuses ne prennent aucune autre mesure que ce qui a déjà été annoncé.
Les fermes n’assument donc aucun risque de transition. Les risques de transition sont des changements permanents qui découlent des changements apportés aux politiques, à la technologie et à la tarification du carbone, comme il n’y avait pas de taxe sur le carbone. Toutefois, l’absence de politiques et de règlements sur le climat signifie que les risques physiques liés à une atmosphère de réchauffement sont très élevés dans ce scénario. Vous assumez donc un immense risque physique lié aux changements climatiques, mais aucun risque de transition.
Mais il s’agit d’un scénario très différent. Vous devez donc être en mesure de déterminer comment votre portefeuille réagit à chacun de ces différents scénarios hypothétiques, simplement parce que tout est incertain. On ne sait pas ce qui pourrait arriver.
Le générateur de scénarios économiques aide donc vraiment à quantifier les répercussions financières des changements climatiques pour que les sociétés d’assurance, les caisses de retraite et les gestionnaires d’actifs puissent prendre des décisions plus éclairées et soient mieux préparés pour l’avenir.
Fievoli : Parfait. Ce fut une très bonne présentation du sujet. Merci encore de vous être jointe à nous aujourd’hui.
Chowdhury : Merci Chris.
Fievoli : Notre série de balados compte maintenant plus de 100 épisodes répartis sur les trois dernières années. Nous vous encourageons donc tous et toutes à vous abonner, et vous pouvez le faire par l’entremise de la plateforme que vous utilisez pour avoir accès à vos balados.
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Je suis Chris Fievoli et je vous remercie d’avoir écouté notre balado Voir au-delà du risque.
Cette transcription a été révisée par souci de clarté.