Cet article a été publié initialement dans le Carrefour COVID-19 de l’ICA.
Notre première assemblée virtuelle concernant la COVID-19, intitulée « Quelles sont les répercussions de la COVID-19 sur le travail des actuaires? » a eu lieu le 3 avril. Elle a connu un excellent taux de participation dans les deux langues et plusieurs questions ont été posées. Puisque le temps consacré aux questions était limité, les experts n’ont pas pu répondre à toutes les questions.
Ci-dessous, vous trouverez donc les réponses des experts à ces questions qui sont restées sans réponse. L’enregistrement de la webémission est également disponible.
Est-ce que l’ICA va faire une recommandation aux assureurs pour les pertes et les réclamations reliées à la COVID-19?
L’ICA ne formulera pas de recommandation sur cette question; ce domaine d’expertise relève du Bureau d’assurance du Canada.
Est-ce que l’ICA va appuyer de la recherche et le développement de modèles d’intelligence artificielle et des analyses de prédictions sur le développement et les impacts de la COVID-19?
La Direction de la recherche (DR) a lancé un appel aux chercheurs souhaitant analyser les diverses répercussions qu’aura la COVID-19 sur les assurances et rendre compte de ses constatations. La DR a également tâté le pouls de divers assureurs canadiens afin d’évaluer leur intérêt à communiquer des données pour contribuer à l’analyse des répercussions de la COVID-19 sur les risques de mortalité (y compris la cause de décès) et de morbidité, à court et à long termes. De plus, on a mis sur pied un groupe de travail de l’industrie, dont des membres de la Commission sur la modélisation prédictive, chargé d’examiner les façons d’optimiser la valeur des données démographiques disponibles, de même que des données qui pourraient être fournies par les assureurs.
Est-ce que certains assureurs utiliseront une exclusion en cas de pandémie sur la base de corrélation des réclamations?
Nous suggérons de consulter la partie des contrats d’assurance contenant toutes les exclusions. De plus, bon nombre d’assureurs abordent sur leur site Web la couverture offerte pour les réclamations liées à la COVID-19.
Sachant la crise et le report de l’IFRS 17, est-ce qu’on peut s’attendre à des réductions des marges prescrites par l’ICA dans le cadre de l’évaluation sous la base de la MCAB? Par exemple, une marge de 30 % au pire moment sur le niveau des actions ordinaires.
Nous n’anticipons pas de proposer de réduction aux marges prescrites pour le moment.
Est-ce que l’ICA prévoit revoir à court terme certaines politiques, normes ou directives? Par exemple, en régimes de retraite, l’application hâtive de la nouvelle section 3500 serait d’une grande utilité. Est-ce que certaines normes avec des dates effective futures (comme les valeurs de transfert) seront reportées?
Le Conseil des normes actuarielles (CNA), un conseil autonome, a récemment annoncé que la date d’effet des nouvelles normes de transfert a été reportée à la fin de l’année 2020. Ces nouvelles normes ont fait l’objet d’une étude sérieuse par le CNA. Il est probable qu’avec l’augmentation récente des écarts de crédit dans les obligations, les valeurs de transfert selon les normes proposées auraient été moindres que selon les normes actuelles, ce qui aurait été désirable pour plusieurs répondants et administrateurs de régimes. Par contre, les nouvelles normes demandent d’ajuster les systèmes administratifs des régimes de retraite, et à cause de la crise et des autres priorités des administrateurs, le moment n’est pas idéal pour procéder à ces changements.
Question pour les experts en régimes de retraite. Croyez-vous qu’en raison de cette crise, les clients auront davantage de discussion concernant la gestion du risque, notamment l’option de transfert de risque vers une compagnie d’assurance?
Une bonne gestion des risques est essentielle, et la crise actuelle démontre bien l’importance d’une bonne gestion des risques. Nous avons la responsabilité d’aider les administrateurs de régimes dans cette tâche et nous avons démontré dans le passé que nous pouvons ajouter une valeur à nos clients. Je sais que nous savons comment le faire en respectant l’intérêt du public. Il faut bien prendre le temps de comprendre les leçons de cette crise sur la bonne gestion des risques, et de discuter avec nos clients et les organismes de réglementation quelles sont ces leçons et quels changements doivent être apportés.
Je comprends que la hausse des taux d’intérêt découle de l’augmentation des écarts de crédit. Avez-vous la même lecture et si oui, devrions-nous nous inquiéter davantage du risque de défaut?
Oui, la hausse des taux d’intérêt était attribuable à l’augmentation des écarts de crédit entre les obligations de société et les obligations du gouvernement du Canada. Bien que les écarts de crédit constituent une mesure des risques supplémentaires que voient les investisseurs et les prêteurs entre les obligations de société et celles du gouvernement du Canada, il appartiendra aux experts de ce domaine de déterminer les causes de cette hausse, en particulier en ce qui concerne l’augmentation du risque de défaut, les interactions normales entre l’offre et la demande et l’influence des mouvements de capitaux entre pays. Les différences sont très volatiles et il faut attendre un peu avant de porter un jugement. Cela dit, au moment de notre appel, l’augmentation des écarts de crédit était soudaine et substantielle [quoique moins importante que pendant la crise de 2008]. Elle a diminué depuis, ce qui confirme que, à bien y réfléchir, les investisseurs/prêteurs, pour le moment, y voient des risques supplémentaires, mais pas autant qu’au départ.
En notre qualité d’actuaires, nous devons aider nos clients à gérer leurs risques afin qu’ils soient en mesure de choisir le bon compromis entre le rendement additionnel d’une catégorie d’actif et le risque additionnel, et d’évaluer si le rendement additionnel des obligations de société les compense.
Sachant qu’un projet de loi sur la possibilité d’implanter les régimes à prestations cibles était dans les cartons du gouvernement du Québec, peut-on s’attendre à un délai important (en termes d’années peut-être) du dépôt de ce projet de loi? L’enjeu du moment de l’implantation de tels régimes est important, et il est difficile d’imaginer l’implantation de tels types de régimes dans les mois suivant cette crise.
Le Ministre des finances du Québec a annoncé son intention de déposer un projet de loi au printemps sur l’encadrement des régimes à prestations cibles et que Retraite Québec avait élaboré un tel encadrement, suite à des consultations. Cette question n’est pas nouvelle. De tels régimes existent déjà au Québec pour certaines industries en particulier et il est connu que certaines nouvelles conventions collectives prévoient de tels régimes. Mais, tous comprennent que la crise a bouleversé les priorités du gouvernement. Il faudra attendre de voir si le ministre a toujours l’intention de déposer un tel projet au printemps pour fins de consultation. L’Institut participera à cette consultation, en se basant sur nos positions précédentes sur ce type de régime. Le dépôt du projet de loi accommoderait bien les quelques régimes à prestations cibles qui ont été convenus par convention collective. Quant aux autres, ils auront une option additionnelle à leur disposition.
Existe-t-il des documents de recherche ou des études en cours à l’ICA au sujet de la mortalité, de la morbidité, de la durée de la COVID-19, des facteurs démographiques, etc.? Et qu’en est-il pour les autres organismes actuariels?
À titre de mise en contexte, nous vous recommandons de prendre connaissance du document de recherche de l’ICA Considérations relatives à l’élaboration d’un scénario de pandémie, publié à la suite d’éclosions récentes de grippe porcine et de grippe aviaire.
En ce qui concerne précisément la COVID-19, l’ICA a lancé un appel aux chercheurs souhaitant analyser les diverses répercussions qu’aura la COVID-19 sur les assurances et rendre compte de ses constatations. On a également mis sur pied un groupe de travail de l’industrie, dont des membres de la Commission sur la modélisation prédictive, chargé d’examiner les façons d’optimiser la valeur des données démographiques disponibles, de même que des données qui pourraient être fournies par les assureurs.
Les membres de l’ICA travaillent en collaboration avec d’autres organismes actuariels afin d’échanger des connaissances et des idées sur des questions concernant la COVID-19. La Society of Actuaries publie des mises à jour et des résumés de recherche (p. ex., Society of Actuaries Research Brief: Impact of COVID-19).
J’aimerais connaître votre opinion quant à l’effet contrepoids qu’exerceront la distanciation sociale, le lavage des mains accru et le confinement. Croyez-vous que la mortalité causée par la COVID-19 sera contrebalancée par une baisse des taux de mortalité attribuables aux accidents de voiture et à la grippe?
Il est difficile à ce moment-ci d’estimer toutes les répercussions qu’auront la COVID-19 et les démarches mises en place pour lutter contre la propagation de la maladie. Toutefois, les actuaires ont un rôle de premier plan à jouer dans l’analyse et dans l’interprétation des développements. L’ICA a lancé un appel aux chercheurs souhaitant analyser les diverses répercussions qu’aura la COVID-19 sur les assurances et rendre compte de leurs constatations. La Direction de la recherche de l’ICA a également tâté le pouls de divers assureurs canadiens afin d’évaluer leur intérêt à communiquer des données pour contribuer à l’analyse des répercussions de la COVID-19 sur les risques de mortalité et des causes de décès à court et à long termes.
Les démarches telles que Solvabilité II sont-elles censées prendre en considération les pandémies?
Oui, Solvabilité II comporte une disposition relative aux risques de pandémie. Dans un article de 2013, l’IFoA indique que [traduction libre] « la formule standard de Solvabilité II de l’Union européenne, soit l’exigence en capital de solvabilité pour le risque de catastrophe vie, est de 1,5 pour mille fois le capital-décès à risque selon un scénario de pandémie avec périodicité de 200 ans. » (« the European Union’s Solvency II standard formula, the solvency capital requirement (SCR) for life catastrophe risk is 1.5 per mille times the total death capital at risk based on a 200-year return period pandemic scenario. »)
Quelle est la relation entre le scénario de base et le pire scénario en ce qui concerne la COVID-19 aux fins de l’examen de la santé financière?
Conformément aux normes de pratique, l’examen de la santé financière doit être actuel. Le scénario de base tiendrait compte des événements récents tels que les effets économiques et les activités supplémentaires observées au chapitre des réclamations. Tout rajustement au scénario de base aurait normalement une incidence aussi sur les scénarios défavorables. On pourrait élaborer des scénarios de continuité et de solvabilité en recourant, dans le scénario de base, à des hypothèses plus défavorables à l’égard de la COVID-19.
Par exemple, l’actuaire pourrait modéliser les hypothèses ou les résultats connus (p. ex., la chute du marché boursier, la baisse des taux d’intérêt, l’amélioration de l’expérience des assurances IARD des particuliers, la baisse de volume des primes, etc.) dans la mesure du possible dans le cadre du scénario de base et élaborer trois scénarios pour des hypothèses susceptibles d’être affectées par la COVID-19, mais dont les manifestations sont encore à venir, ce qui donnerait lieu à trois scénarios de base. Le choix du scénario à utiliser aux fins des évaluations de continuité et de solvabilité serait fonction de l’entreprise. On pourrait avoir recours au scénario de la « meilleure estimation » aux fins des évaluations générales, puis soumettre les trois pires résultats au scénario de base le plus défavorable.